Note: Je tiens à préciser au lecteur que ce texte ne reflète que mon analyse et opinion personnelle sur les événements récents en Algérie. Je n’ai en aucun cas la prétention de parler au nom de qui que ce soit, ni celle d’apporter des solutions.
Une révolution du sourire
Ce qu’a vécu l’Algérie depuis le 22 Février 2019 est difficilement descriptible. Des citoyens de tous bords, de toutes classes sociales, de toutes wilayas et lieux d’exil, jeunes et moins jeunes, ont parlé d’une seule voix et ont fait passer un message limpide au monde entier: Nous reprenons notre destin en main.
Ce qui a déclenché ce déclic reste complexe et va donner du grain à moudre à une génération d’historiens et de sociologues et ce pendant des années. Cependant, il est évident qu’une quête de dignité a été au coeur du mouvement. Un mouvement historique qui, même si le chemin reste long et parsemé de difficultés, a déjà réussi sur plusieurs fronts. Nous nous sommes retrouvés en qualité de peuple soudé et, plus important, nous avons récupéré l’espace publique qui nous était interdit pendant si longtemps que nous en avions même oublié l’utilité.
La stagnation, ou quand la somme des forces est inférieure ou égale à 0
Difficile d’estimer la durée et l’impact de la stagnation qu’a vécu L’Algérie. Certains parlent des 20 à 30 dernières années. D’autres estiment l’impact en millions de dollars ou autres indices directs et indirects d’épanouissement et de développement.
Cette stagnation a été la période des énergies annulées. Entreprendre quoi que ce soit, dans quelque domaine qu’il soit, s’est révélé être un challenge souvent insurmontable pour la plupart des individus et des organisations.
Les barrières fixées par les organes de l’état, le sous-développement, l’administration, le marché, la corruption, les pratiques ou le contexte ont été des freins surdimensionnés pour l’esprit d’initiative. Monter un projet entrepreneurial, culturel, artistique, politique, personnel ou collectif s’apparentait en amont à un labyrinthe dont personne ne pouvait présumer de la sortie. Le rapport “effort/recompense” souvent défavorable.
Je tiens d’ailleurs à présenter mes respects à tout ceux qui ont réussi à produire de la valeur honnêtement dans ce contexte. J’insiste sur le mot honnêtement. Ces individus ont du faire preuve d’une ténacité sans pareil, pour avancer dans la droiture dans une situation où rien n’est droit et tout est contre vous.
Dans cette situation, il a été difficile de faire sens de quoi que ce soit. Ce status quo a poussé à l’exil des millers d’Algériens qui ont quitté leur pays dans une quête existentielle de sens. Ceux qui ne sont pas parti ont subi, dans la dignité du possible, l’époque des énergies gâchées. Époque où le pays avait le pied sur l’accélérateur tout en omettant de lâcher le frein.
Se rassembler pour mieux régner
Depuis bientôt un mois, en mettant de côté nos querelles et différences, nous avons démontré que la seule voie qui compte était celle du collectif. Cette démonstration a fait voler en éclats les idées reçues d’un peuple résigné, absent et inactif. Idées auxquelles tout le monde avait fini par céder, à un moment ou un autre.
Cela ne s’est pas fait en un jour. Depuis le 22 Février, chaque rassemblement a été plus important que le précédent et a fini par fédérer une tranche supplémentaire de sceptiques. Le point commun entre ces rassemblements est que nous avons lâché le lest qui nous retenait en mettant de côté les forces et énergies qui s’annulaient.
Pour la première fois, les efforts convergent. La cause de la restauration d’une dignité bafouée a donné des ailes à tout un peuple. Certaines plumes des ces mêmes ailes servent en ce moment même à écrire une nouvelle page de l’histoire.
Construire l’après en maintenant à tout prix une somme positive
A ce jour (23 Mars 2019), le combat continue et rien n’est gagné.
Nous avons tout de même pu effleurer des doigts ce que serait l’Algérie qui met de côté ses différends. L’Algérie qui fait converger ses énergies. Cette Algérie où le champ du possible s’est élargi jour après jour depuis le 22 février 2019. Dans ce climat d’incertitudes, Il faut chérir cet acquis et le préserver à tout prix.
Schématiquement, nous allons forcement passer par deux étapes: une transition et un après.
Pour le bien de tous, les forces divergentes qui nous ont tant retenus devrons rester timides lors de la transition. Quelqu’en soit sa forme, il faut que cette transition prenne le recul nécessaire pour permettre à ces forces de cohabiter dans l’essentiel, c’est à dire l’après. Ce n’est qu’à ce prix que pourra se construire un avenir prospère pour tous.
Le facteur clé de succès: Silmya
Silmya est le mot que j’ai le plus retenu de cette période hors du commun. C’est un adjectif qui se traduit par “Pacifique”.
Aujourd’hui, ce pacifisme nous a déjà permis d’afficher à la planète entière nos revendications, de prendre de court le système en place et de faire le bout de chemin le plus important: le début.
Dans les semaines qui viennent, Silmya devra rester le phare guidant le paquebot du changement. La seule constante à maintenir tout le long de cette période de transformation. Le seul îlot de stabilité dans ce qui s’annonce être une phase tumultueuse.
Inévitablement, certaines divergences reviendront avec plus ou moins de vigueur et devront alors cohabiter. J’ose juste espérer que le souvenir de ce qu’on a pu accomplir ensemble, en mettant de côté nos querelles et adoptant la Silmya, restera assez présent dans le subconscient collectif pour assurer, pour une fois, une somme totale positive.
Ryadh Dahimene